Mots de passe, messages, mémoires : L'héritage numérique, face cachée de nos vies connectées
- Emyloia Kpadonou
- il y a quelques secondes
- 4 min de lecture
En 2021, Kat et Mike Stickler, un jeune couple d’influenceurs américains, annoncent leur séparation. Pendant des mois, ils avaient fait rire, attendri et diverti des millions de personnes sur TikTok en partageant leur quotidien de famille. Leur compte commun, MikeandKat, comptait plus de 4 millions d’abonnés. Mais quand leur histoire d’amour s’est arrêtée, une autre question s’est posée : qui allait garder le compte ? Ce n’était plus juste une page de vidéos : c’était devenu un travail, une identité, une mémoire commune. Et c’est là que tout bascule. Derrière les likes et les partages se cachent des enjeux bien réels : Que deviennent nos vies numériques quand nos vies réelles se déchirent ?
Qu'est-ce qu'un héritage numérique ?

Le métavers est certes virtuel mais l’impact sera réel, cette phrase clé de la campagne de lancement de Meta reflète clairement l’importance de notre présence en ligne et son poids bien réel dans notre quotidien. Toute notre vie se vit en ligne : comptes bancaires, réseaux sociaux, photos, etc. Notre empreinte digitale est devenue incontournable et ne disparait malheureusement pas, à notre mort. Par ailleurs, certaines propriétés numériques, comme les comptes de réseaux sociaux, sont littéralement des biens juridiques ou des actifs financiers générant des revenus. Contrairement à une maison ou une voiture, dont la valeur est identifiable et encadrée, ces biens numériques posent des questions nouvelles. Par exemple : un compte TikTok de couple, suivi par des millions de personnes pour son contenu romantique, revient à qui en cas de séparation ? C ’est la question à laquelle un juge a dû répondre dans le cas de Kat et Mike Stickler.
La nature volatile d’un compte et la rapidité avec laquelle les utilisateurs se désintéressent d’un contenu auquel ils ne s’intéressent plus jouent un rôle important dans la gestion de ces plateformes. Dans ce cas, Kat Stickler a pu prouver que, sans elle, le compte TikTok de 4 millions d’abonnés s’éteindrait. Elle semble avoir eu raison, puisque, après avoir obtenu la garde du compte, celui-ci compte désormais plus de 10 millions d’abonnés, tandis que le compte YouTube confié à son ex-mari reste actuellement inactif.
Que se passe-t-il avec votre héritage numérique en cas de décès en Afrique ?
Un autre cas tragique ou il persiste une zone d’ombre sur l’héritage numérique est en cas de décès. Certaines plateformes proposent des solutions, mais elles varient grandement. Par exemple, Facebook, tiktok permettent de désigner un héritier numérique (un contact qui pourra gérer votre compte après votre décès), ou de transformer le profil en un compte commémoratif. Cependant, cette option n’est pas disponible sur toutes les plateformes. En cas de décès, les droits d'accès aux comptes numériques — qu’il s’agisse de comptes bancaires en ligne, de réseaux sociaux ou de services de stockage — sont souvent difficiles à transmettre aux héritiers. Les plateformes numériques comme Facebook, Instagram, ou même les services de messagerie (WhatsApp, Gmail, etc.) n’ont pas de règles uniformes pour la gestion des comptes après la mort d’un utilisateur. Dans certains cas, les héritiers peuvent avoir accès aux comptes grâce à un mandat légal ou à une demande judiciaire, mais cela peut être un processus long et complexe.

L’une des questions essentielles concernant l’héritage numérique est la protection des données personnelles après le décès. Si en Europe, des lois comme le RGPD (Règlement Général sur la Protection des Données) prévoient des mesures spécifiques concernant la gestion des données personnelles après la mort, la situation en Afrique est bien différente. Le droit à la confidentialité et à la gestion des données personnelles post-mortem est un domaine encore peu exploré par la législation de nombreux pays africains. Toutefois, des discussions sont en cours pour mieux encadrer ces aspects, à l’instar de ce qui se passe dans d'autres régions du monde.

Comment l'IA pourrait aider à gérer l'héritage numérique ?
L’intelligence artificielle (IA) pourrait jouer un rôle crucial dans la gestion de l’héritage numérique après un décès. En automatisant la gestion des comptes numériques, l’IA pourrait, par exemple, détecter l’inactivité d’un compte et initier des actions prédéfinies, comme la transmission des droits d’accès ou la transformation du compte en profil commémoratif. De plus, des systèmes de cryptage et des accès sécurisés basés sur l’IA pourraient garantir la protection des données personnelles, permettant une transmission sécurisée aux héritiers. L’IA pourrait aussi faciliter l’automatisation des smart contracts, déclenchant la transmission d’actifs numériques en fonction de conditions prédéfinies, et offrir des conseils juridiques automatisés pour les héritiers. Enfin, l’intelligence artificielle pourrait aider à résoudre les conflits liés à l’héritage numérique en fournissant des outils d’analyse des données et en facilitant la planification de l’héritage numérique, permettant ainsi aux utilisateurs de répertorier leurs actifs et de définir qui héritera de quoi.
À l’ère du numérique, nos vies sont de plus en plus capturées et conservées dans des espaces virtuels. L’héritage numérique, qu’il concerne des comptes sociaux, des actifs financiers numériques ou des mémoires personnelles, est devenu une dimension incontournable de notre patrimoine. L’intelligence artificielle semble être un atout pour simplifier la gestion de cet héritage, en assurant une transition sécurisée, claire et équitable des biens numériques vers les héritiers légaux. Face aux défis juridiques actuels, les solutions numériques et technologiques vont certainement jouer un rôle essentiel dans l’avenir de la planification successorale.
Il est peut-être temps de commencer à réfléchir à votre propre héritage numérique et de prendre les mesures nécessaires pour protéger vos données et actifs numériques.